Tessinois, Sandro Rusconi est né à Muralto le 9 mars 1952. Deux ans instituteur à Locarno, il commence des études de biologie à l'Université de Zurich. Il y obtient en 1979 un diplôme en biologie moléculaire puis, suite à sa thèse sur «la transformation des vertébrés par micro-injection dans les cellules d'oeufs fertilisés», un doctorat en 1982. Déjà reconnu comme un pionnier dans le domaine des animaux transgéniques, il part deux ans plus tard à l'University of California à San Francisco. Revenu en 1986 à l'Université de Zurich, où il travaille comme chercheur indépendant, il devient privat-docent en 1991 puis est nommé professeur en biochimie à l'Université de Fribourg en 1994. En bref, un parcours mu par une curiosité que S. Rusconi situe à l'origine de sa recherche. L'homme préfère expliquer qu'appliquer. Bonheur et stress biologiques Depuis 15 ans, S. Rusconi s'est spécialisé en génie génétique. Ce domaine de recherche fondamentale comprenant plusieurs secteurs d'application, son domaine spécifique est celui de la régulation exercée par les hormones stéroïdiennes. Essayons de comprendre: ces hormones entrent dans les cellules et déclenchent des mécanismes de réponse. Or, ces réponses des cellules sont encore mal connues et les scientifiques cherchent à mesurer et analyser ces changements de «l'expression» de certains gènes, expression soit «augmentée, soit réprimée». Pour l'être humain par exemple, cette expression ne définit pas moins que les conditions de son bonheur général, comme de son stress biologique. Je suis d'accord sur la recherche portant sur l'être humain, et sur la recherche portant sur l'animal en vue de recherches scientifiques à vocation médicale. Mais quid de la recherche transgénique à vocation agro-alimentaire ? S. Rusconi dirige un programme national de recherche (PNR 37), lui-même intégré dans un programme international occupant 20 groupes de travail. Ce programme vise à appliquer la thérapie génique à la médecine, afin de pouvoir, notamment, guérir les maladies des tissus. Ca répond à une partie de mes questions. Ce qui n'empêche pas ce chercheur de s'avouer favorable à certaines médecines alternatives comme l'acupuncture et la médecine chinoise, qui permettent de traiter les maladies chroniques! Génie génétique: le faux langage de l'émotion Actuellement, S. Rusconi s'implique directement dans les campagnes menées contre le génie génétique, qu'il qualifie de «populistes et émotionnelles» ainsi que de «néo-primitivistes»: son propos est clair, la recherche scientifique ne passe pas par l'émotion. Le chercheur a une responsabilité sociale, que la société doit lui laisser en lui faisant confiance. "Science sans conscience n'est que ruine de l'âme". Dans ces conditions, doit-on interdire, encadrer ou laisser faire ? Je suis plutôt partisan d'un encadrement, car tout pouvoir dans les mains d'une seule élite pose des problèmes éthiques, et induit des conséquences incertaines. C'est que les recherches en la matière risquent en effet d'être fortement remises en cause par l'initiative «Genschutz», qui vise à interdire tout animal transgénique. Or, le diagnostic précoce et préventif en médecine, qui se base sur les prédispositions génétiques de l'individu, ne peut se passer de génie génétique. S'il n'est pas question pour S. Rusconi de supprimer les études génétiques, sous peine de fragiliser fortement la recherche suisse en la matière, il convient certainement d'en éviter les abus. Or, la législation suisse actuelle et en préparation réussit parfaitement et efficacement à identifier ces abus1, la même remarque pouvant s'appliquer aux organismes génétiquement modifiés, les légumes par exemple, inoffensifs car ne produisant pas de substances toxiques2. Le problème de la flore et de la faune n'est pas tant leur toxicité que le fait que le vivant peut se reproduire, même de manière fortuite, d'où un risque de dissémination involontaire. Lorsque l'on voit les proliférations d'espèces "exotiques" qui détruisent les écosystèmes (je pense en particulier à certaines plantes et à certains animaux, on peut s'interroger. Le scientifique rêve aussi Pour mener à bien ses travaux, S. Rusconi caresse un grand rêve, qui serait de pouvoir installer à Fribourg ou en Romandie un centre d'expertise dans le domaine de la thérapie génique. «Je pense que notre pays doit trouver son futur dans les ressources intellectuelles et technologiques de haut niveau». Je suis d'accord, et pas seulement pour la Suisse. |